Sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail.

En cas de contrats à durée déterminée successifs conclus avec le même salarié, la Chambre sociale de la Cour de cassation considère que les fautes commises au cours d’un contrat à durée déterminée arrivé à expiration ne peuvent plus être reprochées au salarié pour justifier la rupture anticipée du contrat à durée déterminée en cours, quand bien même la faute n’aurait été connue de l’employeur qu’à l’expiration du précédent contrat à durée déterminée. (Cass.soc. 15 mars 2023 n°21-17.227)

En l’espèce, une assistante administrative senior avait été embauchée suivant trois contrats à durée déterminée se succédant sans interruption.

L’employeur a rompu le 3ème contrat en invoquant une faute commise 3 semaines avant la prise d’effet de ce 3ème contrat, ayant eu connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés qu’à la suite d’une enquête réalisée sur une période à cheval entre les deux contrats.

La Cour de cassation a considéré que l’employeur ne pouvait pas se fonder sur des fautes commises lors de l’exécution du deuxième contrat à durée déterminée, et a déclaré illicite la rupture anticipée du troisième contrat à durée déterminée.

L’employeur a donc dû payer à la salariée l’intégralité des salaires restant à courir au titre du dernier CDD, ainsi que l’indemnité de précarité.

En conclusion, si l’employeur a connaissance d’une faute prétendument commise par un salarié alors que son contrat à durée déterminée arrive prochainement à expiration, la solution la moins risquée pour l’employeur est de ne pas renouveler son CDD, sans attendre les résultats de l’enquête en cours.

En effet, les fautes commises avant la prise d’effet du prochain contrat ne pourront pas faire l’objet d’une sanction, quand bien même leur matérialité serait établie et les fonctions exercées par le salarié identiques.

Article rédigé par Agathe Blanc de la Naulte

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Un nouvel article L 1237-1-1 a été inscrit dans le Code du Travail le 23 décembre 2022, selon lequel :

« Le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, dans le délai fixé par l’employeur, est présumé avoir démissionné à l’expiration de ce délai.

Le salarié qui conteste la rupture de son contrat de travail sur le fondement de cette présomption peut saisir le conseil de prud’hommes. L’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui se prononce sur la nature de la rupture et les conséquences associées. Il statue au fond dans un délai d’un mois à compter de sa saisine.

Le délai prévu au premier alinéa ne peut être inférieur à un minimum fixé par décret en Conseil d’Etat. Ce décret détermine les modalités d’application du présent article. »

Jusqu’à présent, la démission ne se présumait pas, s’agissant de l’acte par lequel le salarié faisait connaître à son employeur sa décision de résilier son contrat de travail, celle-ci devant résulter d’une « volonté claire et non équivoque » du salarié.

Avec cet article, le salarié qui abandonne volontairement son poste est présumé démissionnaire, s’il ne le reprend pas – dans le délai fixé par l’employeur – après avoir été mis en demeure de le faire par lettre recommandée (ou par lettre remise en main propre, ce qui parait peu envisageable dans une telle situation).

L’abandon de poste « volontaire » exclut les cas où le salarié abandonne son poste pour un motif légitime, tel que des raisons médicales, l’exercice du droit de grève, l’exercice du droit de retrait, le refus du salarié d’exécuter une instruction contraire à la réglementation ou encore son refus d’une modification unilatérale d’un élément essentiel du contrat de travail.

Mais en cas d’abandon de poste « volontaire » :
– l’employeur n’aura plus à le licencier pour faute grave comme il le faisait jusqu’à présent (pour abandon de poste) puisqu’il s’agira d’une démission présumée ; lors du solde de tout compte, il cochera la case « démission » sur l’attestation employeur destinée à POLE EMPLOI ;
– le salarié sera ainsi exclu du bénéfice de l’assurance chômage, puisqu’il aura démissionné.

S’agissant d’une présomption simple, l’employeur pourra-t-il assumer le risque que le salarié renverse la présomption ? En effet, le salarié pourra saisir le Conseil de prud’hommes (directement devant le bureau de jugement) pour contester sa démission. Il pourra invoquer par exemple que son abandon de poste résulte d’un manquement de l’employeur, d’un acte de harcèlement moral ou sexuel, etc.

S’il obtient gain de cause :
– la démission sera requalifiée en rupture aux torts de l’employeur et produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (voire nul si la rupture fait suite à un harcèlement moral ou autres cas de nullité), avec les condamnations qui en découlent;
– le salarié pourra alors bénéficier de l’assurance chômage.

Pour éviter le risque judiciaire, l’employeur aura peut-être intérêt à continuer à notifier un licenciement pour faute grave au salarié qui abandonne son poste.

Ces dispositions ne seront applicables qu’aux ruptures de contrat de travail (démission ou licenciement) postérieures au 23 décembre 2022.

Toutefois, ces dispositions nouvelles issues de l’article L1237-1-1 du Code du travail n’entreront en vigueur qu’après la publication du décret d’application qui prévoira les modalités pratiques d’application du texte.

Article rédigé par Agathe Blanc de la Naulte et Corinne Pillet,
Avocats

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L’attribution d’actions gratuites aux salariés prévue par les articles L 3332-18 et suivants du Code de travail et les articles L 225-197-1 et suivants du Code de commerce constitue pour les entreprises un moyen de fidéliser les salariés en les associant au capital social dans des conditions avantageuses tant sur le plan fiscal que sur le plan des cotisations sociales.

1/ Le pourcentage d’actions pouvant être attribué aux salariés :

Le montant maximum d’actions à attribuer gratuitement à des salariés ou à des mandataires sociaux est de 15 % du capital social. Cependant, dans le cas d’une société filiale comprise dans un périmètre d’intégration fiscale, seul 5% du capital est disponible pour être attribué à des salariés afin de maintenir le seuil de détention obligatoire de la société mère dans la société filiale. A défaut, il convient d’élaborer le plan d’attribution d’actions gratuites au niveau de la société holding du groupe.

2/ Le mode opératoire :

Le processus d’attribution des actions gratuites se déroule en deux temps :
C’est la décision de l’organe délibérant, associé unique dans une société unipersonnelle ou assemblée générale extraordinaire, dans une société pluri personnelle, qui fixe la période dite d’acquisition des actions dont la durée minimale ne peut pas être inférieure à un an (art. L 225-197-1, I-al. 6).
Par cette même décision, peut être fixée la durée minimale d’une période de conservation pendant laquelle le salarié a l’obligation de conserver les actions (art. L 225-197-1, I-al. 7).
Mais la durée cumulée des périodes d’acquisition et de conservation ne peut pas être inférieure à deux ans (art. L 225-197-1, I-al. 8).

3/ Quant aux méthodes de valorisation :

L’évaluation des actions à émettre a son importance parce qu’elle sert de base au calcul de la contribution patronale que la société émettrice des actions gratuites va devoir acquitter et au calcul de la plus-value lors de la revente des actions par le salarié.

Pour la détermination de cette valeur, la loi pose le principe suivant : la valeur des actions gratuites servant de base au calcul de la contribution patronale est celle de la valeur, à leur date d’acquisition, des actions attribuées, ce qui laisse penser que la société émettrice est libre de choisir sa méthode.

En approfondissant la question du mode de valorisation, il est opportun de citer une source, proche du dispositif de l’attribution d’actions gratuites, qui est la méthode de valorisation des actions en matière d’actionnariat collectif contenue dans le code du travail et non dans le code de la sécurité sociale, ce qui limite l’opposabilité de ces textes à l’endroit de l’URSSAF en cas de contrôle.

L’article L 3332-20 du code du travail dispose que lorsque les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé, le prix de cession est déterminé conformément : aux méthodes objectives retenues en matière d’évaluation d’actions en tenant compte, selon une pondération appropriée à chaque cas,

– de la situation nette comptable,
– de la rentabilité et des perspectives d’activité de l’entreprise.

A défaut, le prix de cession est déterminé en divisant par le nombre de titres existants le montant de l’actif net réévalué d’après le bilan le plus récent. Celui-ci est ainsi déterminé à chaque exercice sous le contrôle du commissaire aux comptes.

La méthode de valorisation des actions sera donc adaptée aux objectifs poursuivis par la société émettrice exposés dans le plan de règlement d’attribution des actions et aux compétences et aux fonctions des salariés auxquels les titres sont destinés. Ainsi en présence de salariés exerçant des fonctions commerciales ou financières, il est fréquent de coupler des méthodes de valorisation axées sur la performance de l’entreprise tel que l’EBITDA doté d’un coefficient avec la méthode de la situation nette comptable.

4/ Quelles sont les conséquences de la rupture du contrat de travail survenant pendant la période d’acquisition des titres, alors que les actions n’ont pas encore été attribuées au salarié ?

Tant que l’assemblée générale extraordinaire de la société émettrice des titres ou le président de la société agissant sur délégation de compétence de l’organe délibérant n’a pas statué sur l’attribution d’actions gratuites aux salariés désignés et procédé à l’augmentation de capital social, quels sont les droits du salarié, par exemple en cas de licenciement, avant la décision d’attribution d’actions gratuites ?
Tant que les actions gratuites n’ont pas été attribuées aux salariés, ceux – ci ne sont titulaires que d’un droit de créance sur les actions qui leur sont en principe dévolues.
En cas de rupture du contrat de travail avant la décision d’attribution des actions gratuites, le salarié ne peut prétendre être indemnisé de la privation de l’attribution d’actions gratuites suite à son licenciement que par la réparation de la perte d’une chance d’être devenu propriétaire des actions.
La Cour de cassation a, en effet, jugé que le salarié qui n’ a pu, du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse intervenu avant le terme de la période d’acquisition, se voir attribuer définitivement des actions gratuites, subit une perte de chance. Il appartient aux juridictions du fond de mesurer la réparation de la chance perdue. Cass.civ 1 7.02.2018 n°16-11.635.
Quant à la condition de présence du salarié dans l’entreprise à la date de l’attribution gratuite des actions, dans le cas où le salarié est dispensé d’exécuter son préavis, la condition de présence est appréciée à la date d’expiration de son préavis.

5/ Règles de compétence en cas de contentieux

Selon la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation, les différends relatifs à l’attribution d’actions gratuites aux salariés relèvent de la compétence du Conseil des prud’hommes car la décision de l’employeur d’attribuer des actions gratuites aux salariés constitue un accessoire du contrat de travail (Cass. soc 27.02.2013 n°11-27.319 Inédit).

En outre, les différends relatifs à l’attribution d’actions gratuites émises par des sociétés dont les titres ne sont pas cotés sur un marché réglementé, ne peuvent pas être soumis à la médiation de l’AMF.

Article de Corinne PILLET

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