ABANDON DE POSTE ET PRESOMPTION DE DEMISSION
Un nouvel article L 1237-1-1 a été inscrit dans le Code du Travail le 23 décembre 2022, selon lequel :
« Le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, dans le délai fixé par l’employeur, est présumé avoir démissionné à l’expiration de ce délai.
Le salarié qui conteste la rupture de son contrat de travail sur le fondement de cette présomption peut saisir le conseil de prud’hommes. L’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui se prononce sur la nature de la rupture et les conséquences associées. Il statue au fond dans un délai d’un mois à compter de sa saisine.
Le délai prévu au premier alinéa ne peut être inférieur à un minimum fixé par décret en Conseil d’Etat. Ce décret détermine les modalités d’application du présent article. »
Jusqu’à présent, la démission ne se présumait pas, s’agissant de l’acte par lequel le salarié faisait connaître à son employeur sa décision de résilier son contrat de travail, celle-ci devant résulter d’une « volonté claire et non équivoque » du salarié.
Avec cet article, le salarié qui abandonne volontairement son poste est présumé démissionnaire, s’il ne le reprend pas – dans le délai fixé par l’employeur – après avoir été mis en demeure de le faire par lettre recommandée (ou par lettre remise en main propre, ce qui parait peu envisageable dans une telle situation).
L’abandon de poste « volontaire » exclut les cas où le salarié abandonne son poste pour un motif légitime, tel que des raisons médicales, l’exercice du droit de grève, l’exercice du droit de retrait, le refus du salarié d’exécuter une instruction contraire à la réglementation ou encore son refus d’une modification unilatérale d’un élément essentiel du contrat de travail.
Mais en cas d’abandon de poste « volontaire » :
– l’employeur n’aura plus à le licencier pour faute grave comme il le faisait jusqu’à présent (pour abandon de poste) puisqu’il s’agira d’une démission présumée ; lors du solde de tout compte, il cochera la case « démission » sur l’attestation employeur destinée à POLE EMPLOI ;
– le salarié sera ainsi exclu du bénéfice de l’assurance chômage, puisqu’il aura démissionné.
S’agissant d’une présomption simple, l’employeur pourra-t-il assumer le risque que le salarié renverse la présomption ? En effet, le salarié pourra saisir le Conseil de prud’hommes (directement devant le bureau de jugement) pour contester sa démission. Il pourra invoquer par exemple que son abandon de poste résulte d’un manquement de l’employeur, d’un acte de harcèlement moral ou sexuel, etc.
S’il obtient gain de cause :
– la démission sera requalifiée en rupture aux torts de l’employeur et produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (voire nul si la rupture fait suite à un harcèlement moral ou autres cas de nullité), avec les condamnations qui en découlent;
– le salarié pourra alors bénéficier de l’assurance chômage.
Pour éviter le risque judiciaire, l’employeur aura peut-être intérêt à continuer à notifier un licenciement pour faute grave au salarié qui abandonne son poste.
Ces dispositions ne seront applicables qu’aux ruptures de contrat de travail (démission ou licenciement) postérieures au 23 décembre 2022.
Toutefois, ces dispositions nouvelles issues de l’article L1237-1-1 du Code du travail n’entreront en vigueur qu’après la publication du décret d’application qui prévoira les modalités pratiques d’application du texte.
Article rédigé par Agathe Blanc de la Naulte et Corinne Pillet,
Avocats
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